Que peut-il faire des marées qui cherchent un pays à inonder,
qui regardent ses souvenirs s’effacer dans les calanques de la vie ?

L’amour est un château de sable
émotion d’un flux qui reflue les regards dans les eaux étales des vagues suborneuses.

Il aurait plongé dans le fond de la lame écumante mais les algues écœurantes avaient des baisers déjà donnés
d’un autre côté…
aux antipodes de ses horaires.

L’embrun dit qu’Elle connaît ses eaux par chœur…
les salées
les douces
les saumâtres
et les fluides corporels des grandes marées,
dérivants depuis ses aventures avec les équinoxes et les solstices.

Elle s’enveloppe de tous les courants car Elle offre des baïnes aux tropiques de sa sensualité.
Il s’accroche à l’encre de ses regards,
Elle détourne les yeux vers son horizon à Elle toute seule…
cette ligne courbe de la solitude
la mer est comme ça…
lascive et océane.

Il est fier de son maillot de bain mais la chair de poule granule ses désirs de plonger dans les pores de sa peau.
Elle est tellement déchaînée cette mer sans amant,
qu’il dessine sur le sable des regards qu’Elle efface au fur et à mesure ses bouts de doigts.
Elle semble lécher son corps caramélisé de frissons et de silice.
Elle repart emmenant dans ses remous des lambeaux de peau anonyme
laissant les mains de l’homme parler avec l’épiderme de ses eaux…
… écume se densifiant.

… alors il vogue sur le dos l’imago à l’envers…

Le trop d’images est un empilement de nuages.
Retrouver l’innocence du premier regard
pas celui qui ignore…
celui qui comprend qu’il ne pourra plus jamais apprendre,
Elle dit volontiers à l’apprenti : la première fois que l’on meurt c’est aussi la dernière.

Tous nos souvenirs sont ballottés de première fois en première fois.
De murailles en cartes postales, le corps devient dur comme la coquille de l’huître,
devient aussi
défensif comme un château de sable.
L’astre se trompe de vague à chaque coucher de soleil,
sous son regard inventé pour l’occasion.
Elle sur sa pile instable de nuages,
lui jette des vents salés granuleux comme sa peau,
attirants comme des sourires orageux.
Elle qui ne deviendra jamais son prochain naufrage
car déjà
il dérive accroché à un vieux bastingage
rouillé
les deux comme un même élément du plus rien devenir
le dévient
ballotés dans l’ombre de l’albatros…
Ne pas retomber dans le maelstrom de ses enfantements aux marées séduisantes.
La regarder ombre tiède sur son rocher de lichen jaune,
le corps en nage,
en âge d’en mourir sans la bouée de son sourire de secours.

… alors il vogue sur le dos l’imago à l’envers…

Il nage dans l’eau
… mais dans la mer sombre.
Elle le regarde assise sur l’étoile polaire,
la vulve béante d’attentes
depuis qu’il s’en est pas demeuré,
ventre facifié qui l’induit de désorientations en inaptitudes

… il doit chercher à nager dans la bonne direction
… il doit s’engourdir de son magistral plongeon
… il doit surnager le corps comptable de ses érections
… il doit organiser ses éléments premiers en orphéon

Il nage contre vents et marées,
jamais avec plaisir,
redoutant d’être absorbé par une déferlante insensée venue d’une terre lointaine,
jouissance perverse au nom de la tendresse.
Il nage jusqu’au point de rupture des eaux

Elle le regarde s’égoutter en frissons ainsi tenter d’engrosser des vagues opportunes et stériles.
Fantasmes du pouvoir de l’homme attaché à ses fonctions.

Une vague le projette sans bouée affective dans le tohu-bohu des arrangements entre lui et lui
lui et la vague derrière lui
lui et la vague devant lui
et surtout entre lui et le dépérissement de l’amour au fil de l’eau.
L’amour s’il en est un
se préfère au sec
le sentimentalité n’aime pas l’humide.
Que reste-t-il des vagues primordiales dans la réalité d’une mère ?
Il nage de vague en vague
nage jusqu’à plus d’âge
car il déteste cet amour bouée fait d’algues brunes,
qui à chaque brassée le repousse loin d’un retour.
Tombé dans l’eau il nage,
évitant tous les remous de l’amphimixie.
Sans nostalgie et sans illusion,
il nage vers son naufrage dans la mer de ses émois.

… alors il vogue sur le dos l’imago à l’envers…

Il louvoie entre les immondices des populations amoureuses.
Il patauge dans les détritus des populations amoureuses.
Il baigne dans les déchets des populations amoureuses.
Il nage parmi les embarras modernes avec des mouvements appropriés,
il claque des dents.
L’eau entoure sa langue avec des petites bulles blanchâtres,
il nage depuis qu’il sait flotter à la surface des sentiments civilisés.
Il sait que l’attraction n’est pas une traction,

alors il vogue sur le dos ses survivances imaginaires à l’envers,

vers là-bas,
le pays du plus loin,
vers les contrées où le temps est le même tout le temps.

Elle le regarde ne pas se noyer,
se remettre à flot à chaque nouvelle vague.
L’eau s’envole de son corps.
L’eau se fait radeau pour ses regards équivoques.
L’eau l’enveloppe de son sel universel.

Il dormira demain quand le tumulte ne pipera plus une seule nostalgie des plages de ses corps…
à Elle,
sable des chaleurs maternelles.

… alors il vogue sur le dos l’imago à l’envers…

La pluie et l’eau et la mer des eaux salines,
tous ces liquides aux projets déjà anciens tombent sur son corps démesurément allongé entre les lames du fond et du dessus.
La lumière veut enduire son épiderme de diamants mensongers,
il nage en hurlant les mots de l’apparition mais les vagues sont rendues à quia par ses pleurs sucrés,
alors il nage dans l’amer soluté de son départ sans solution.
A cheval sur l’équateur vêtue de l’équinoxe d’automne flamboyant Elle sourit de le voir s’emmêler dans la turpitude des eaux mélangées.
Elle en larmoie de rire,
ses larmoiements tombent dans la bouche du nageur égaré.
Plus jamais il ne cherchera de port dans les yeux de cette Elle saisonnière,
murmure-t-il à l’albatros de cristal qui de son ombre le survole.

… alors il vogue sur le dos les images à l’envers…

Il sait que nager ne sert à rien dans une eau périmée.
Il a déjà tant de fois tenté de se noyer en âge de ne rien comprendre,
pas même le flot,
même pas la marée,
même le courant le rend ignorant.
Les vagues ne lui disent rien
et l’horizon là bas insulte l’a-venir.
Se balançant sur un éclair Elle rit dans l’orage tropical pleurant des larmes d’imposture aux scintillements destructeurs.
Mais il nage,
et encore,
et encore,
vers un port derrière l’horizon caché dans un verbe.
Il brasse sans fatigue tellement las,
tellement présent,
que les mondes secs ne sont plus qu’un lointain souvenir…
un sourire désertique,
une île inhospitalière.

… alors il vogue sur le dos l’imago à l’envers…

Arriver il n’y pense guère,
il n’est jamais parti.
Il est entre ciel et mer à se déplacer dans l’après-guerre de sa naissance,
les regards carbonisés,
la mort comme une bouée de sauvetage.
Il se doute que par là il y a un rivage agrémenté d’un cimetière désordonné aux tombes herbeuses,
anonymes maintenant.
Encore quelques mouvements dans les vents aux formes humaines,
et il pourra voir les baleines se pavaner dans leur immensité.
Qui voudrait aller mourir dans ce cimetière loin des deuils habitués à l’opalescence de la douleur ?
Pleurer dans une flaque d’eau,
se noyer dans une gerbe d’atmosphère,
et puis s’envoler avec les albatros…
Mais non !
Nager horizontalement dans les flots de la Vie narquoise,
ne pas se rêver autrement.

… alors il vogue sur le dos l’imago à l’envers…

De creux en creux,
il se sent libre de couler,
de nager,
de surnager,
de s’envoler,
il est un morceau de ciel à flotter dans l’indéterminé.
Des quatre coins de l’ensoleillement vertical
il ne voit point de salut.
Ni les rires des dauphins,
ni les aboiements des phoques,
ne peuvent le faire espérer dans l’écume rugissante.
Il sait que depuis le premier plongeon, il n’a jamais progressé plus loin que la mesure de son corps,
les dimensions de sa vie sont celles de ses mains qui pagaient sans applaudissements,
sans ses approbations
à Elle,
qui le maintient vivant dans le naufrage de sa condition.
Il se détache des éléments,
sa silhouette s’échappe dans les embruns vagabonds.
Il se met sur le dos,
le ciel devient la mer dans laquelle Sa Vie joue avec ses interprétations,
son imago est fatigué de porter le fardeau de l’homme.

Meurt-il de soif de vivre ?

Il s’est détaché de l’horizon qui n’en finit pas d’être immortel.

couv essai 2