Réversibilité – Les fleurs du mal – Baudelaire
En s’adressant à un ange, symbole de la beauté et de la jeunesse éternelle, Baudelaire décrit les affres de la condition humaine et son caractère éphémère. En effet le temps passe, l’angoisse, la maladie et la vieillesse sont inéluctables et ne peuvent que remplir de haine le cœur de l’homme.
Les confessions – Les fleurs du mal – Baudelaire
Baudelaire compare l’amour à la beauté éphémère destinée à tomber dans l’oubli qui abuse des cœurs mais ne fait que passer comme un ange tour à tour enfant répugnante ou belle femme altière s’enveloppant dans la folie et la froideur. L’amour lui échapperait, serait-il incapable d’aimer ?
Monsieur que me veux-tu ? – Les fatrasies d’Eris – Mandin
Dans son poème « Monsieur que me veux-tu ? », Mandin personnifie le temps qu’il prénomme Monsieur. Une femme l’interroge et entretient avec lui une relation fusionnelle « j’ai découpé le temps dans mon corps ». Le temps est comparé à un amant qui l’inquiète, la poursuit, lui ment, lui prend sa vie, la dépouille de sa jeunesse. « Tu es parti avec des lambeaux de ma vie » Il dépose sur elle des empreintes invisibles : ses émotions sont aussi fragiles que la flamme, ses expressions éphémères comme la fleur, seuls ses sentiments la tourmentent. Alors que les ombres symbolisent le passé « tu jouais avec mes ombres de jeune fille », le temps devient peu à peu son violeur, la transforme en catin et abime son cœur en la laissant marquée pour toujours « L’amour tourne la tête à mon horloge ».
Le temps serait-il le Poète lui-même qui marquerait de ses mots sa lectrice ? « Tu as seulement laissé des notes éparses dans la nuit sans étoiles de mes insomnies ».
Pour Baudelaire comme pour Mandin, le temps est un facteur préoccupant et joue un rôle majeur dans l’érosion de l‘amour.
Elisabeth

LE TEXTE EN QUESTION
MONSIEUR QUE ME VEUX-TU ?

Monsieur, que me veux-tu ?
L’amour tourne la tête à mon horloge
… oublier tes mimes et tes grimages.
Monsieur, que me veux-tu ?
… l’amer sourire de tes éloges
… le corps fatigué de présages.
Monsieur, que me veux-tu ?

Regarde mes humeurs
… nuages de peurs
Regarde mes pleurs
… caresses d’odeurs.
Perler monsieur, des nacres abîmées,
Perler monsieur, des sourires fanés.

Monsieur, que me veux-tu ?
L’amour tourne la tête à mon horloge.

J’ai découpé le temps dans mon corps,
des mots à regret, des joies qui vacillent,
mes lumières neuves te criaient encore
tu jouais avec mes ombres de jeune fille.
L’amour tourmente mes livres ;
et tourne la tête à mon horloge.
Et tourne la tête à mon horloge.
Tu buvais ma féminité sans être ivre,
tes pas dansaient sur mes mains,
froissaient mes satins de Femme,
mon plaisir faisait la catin,
dans ta comédie infâme.

Monsieur, que me veux-tu ?
L’amour tourne la tête à mon horloge.

J’ai appris à rêver dans tes mensonges.

Monsieur, que me veux-tu ?
… le cœur abîmé par tes sottes éloges
… les émotions telles une éponge.
Monsieur, que me veux-tu ?

Tu es parti avec des lambeaux de ma vie.
Les poèmes de mes jouissances,
fragiles comme des vers pas écrits,
jouent à mourir dans ton absence.
Ils t’ont aimé de pleurs en harmonies.
Tu as seulement laissé des notes éparses
dans la nuit sans étoiles de mes insomnies
tu as délaissé ton clown sans farce.

… Ton sourire sans maquillage.
Que me voulais-tu, monsieur ?
… Tes regards sans présage.
Que me voulais-tu, monsieur?

Que me voulais-tu… monsieur ?

L’amour tourne la tête à mon horloge.
Je déambule encore sur tes errances.
Que me voulais-tu, monsieur?
mais… les sourires d’une autre horloge
sonnent l’heure de nouvelles semences.

Monsieur, que me veux-tu ?
que vous ne m’auriez jamais rendu.