LA MORT VUE PAR BAUDELAIRE ET MANDIN
Les petites vieilles – La mort des amants – La mort des pauvres – La mort des artistes – Le mort joyeux – Baudelaire
La fragilité des petites vieilles et la malice de leur regard de petite fille troublent Baudelaire. Il éprouve de la tendresse et nous invite à les aimer, à regarder davantage leur âme que leur corps disloqué. Il se laisse gagner par le charme particulier que tracent leurs larmes derrière leurs yeux mystérieux. Pourtant la tragédie de la vieillesse est là avec sa seule issue : « Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire, nul ne vous reconnaît. » Ainsi le Poète nous rappelle la mort qui rôde en s’étonnant de la petite taille de leur cercueil comparé à un berceau. Le froid nous gagne à la lecture de ces vers : « Où serez-vous demain, Èves octogénaires, sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu ? » La mort ne peut échapper à la vieillesse, mais seule la mort séparera les amants, consolera les pauvres en forgeant leur espoir, enchantera les artistes « comme un soleil nouveau », retrouvera ses origines en se livrant à la nature.
La mort cherche une tombe – Les Fatrasies d’Eris – Mandin
La mort a ses victimes : le Fils-Poète qu’elle s’apprête à sacrifier, les vieilles femmes qui « se faufilent entre leurs souvenirs gâtés », la Jeune fille avec laquelle elle valse, l’amour qui se noie dans la vague lointaine, l’ombre de la mort elle-même agonisant avec la dernière lueur. La mort rôde dans le cimetière épuisé et guette les murmures qui grelottent de peur. Elle promène ses silences perdus dans les allées soufrées, l’agonie flirte avec les roses trémières, les vieilles femmes rentrent dans leur robe noire, la veuve tombe amoureuse dans l’ombre des rumeurs.
Mais que serait la mort sans la vie ? La mort serait-elle en même temps la vie ? Sans la vie la mort n’existerait pas, elle est son faire- valoir.
Par une logique implacable le Poète nous amène à cette conclusion paradoxale :
« ET moi Ta Mort, JE suis vivante ! »
L’union est ainsi mise en valeur : « Ne suis-je donc pas en même temps : La Mort et la Jeune fille, le silence et le bruit, les tromperies et les promesses ? Ne suis-je pas Une… ? »
Alors que pour Baudelaire la mort sépare, console ou enchante, pour Mandin la mort est intimement liée à la vie et la poursuit.
Elisabeth Chaizemartin Chabrerie