Bénédiction – Les fleurs du Mal – BAUDELAIRE
L’enfant déshérité, non désiré, rejeté, joue avec la nature et s’enivre d’elle pour survivre.
Vivre est un bonheur en soi que rien ni personne ne pourra contrarier. « Il joue avec le vent, cause avec le nuage, et s’enivre en chantant du chemin de la croix »
La férocité, la perfidie des humains qui cherchent à le détruire et s’acharnent sur lui n’aura pas gain de cause, sa femme même fait preuve de cruauté envers lui.
Cet enfant est un Poète et le Poète a des ressources.
C’est par la douleur qu’il s’anoblit et devient l’égal d’un Dieu. C’est ainsi que la lumière l’irradie.
Ce poème est un hymne à la vie.
La Jeune fille Femme damnée – Les Fatrasies d’Eris – MANDIN
Mourir de soi-même, Mourir en naissant, sans amour, offert en sacrifice par une mère plongée dans son délire scénique de Norma d’opéra. L’amertume envahit le Fils-Poète… Il se souvient, retrace la tragédie de sa naissance, livré aux turpitudes humaines puis se laisse porter par le ventre virginal d’une très jeune fille. Il s’agrippe à ses seins d’enfant, boit malgré elle le lait de la vie, livré à la rivière à l’envers, bercé par le zéphyr, sauvé par Mélusine. Sera-t-il l’enfant sans enfance « haïssant cette mère aux chairs dilatées » ou l’éternel amant de son sourire indifférent ?
Echappant aux fantômes du passé, dans un élan génial, le Fils-Poète, tel un dieu, renait entouré de nymphes : « Moi, Fils-Poète, naquis couvert d’euglènes fripé de rimes, les beaux yeux parfumés d’algies » Arracher son souffle à la mer violente, aimer la vie en sublimant le passé, laisser les rêves errer au fond de la rivière : « Les poèmes sont composés avec le passé des mots ».
Mandin comme Baudelaire sont des enfants sacrifiés par leur mère et ils en souffrent.
Si Baudelaire cède au mysticisme en s’enivrant du chemin de la croix ou en trouvant refuge auprès d’un Dieu soignant sa souffrance, Mandin fait référence au mysticisme et s’en joue en créant des contradictions étranges : le vagin des femmes est un tabernacle éventré, leur utérus divinisé, la rosée est comparée à un fluide christique.
L’un comme l’autre dressent un portrait sans concession de cette mater impitoyable et laissent exploser leur révolte en dénonçant sa violence.
Les deux poètes font de la nature protectrice leur alliée en renaissant en son sein, dépassent ainsi la douleur de leur enfance et grandissent tels des dieux.
Elisabeth Chaizemartin Chabrerie