Un contre-chant

   Certes chez Mandin se retrouve une prudence pour des expressions poétiques du lyrisme. Elle se voit souvent par une certaine ironie, une dérision particulière vis-à-vis de soi et de l’amour. Il y une distance ou un écart permanent par rapport à soi, une conscience aiguë de la situation précaire de la poésie et de l’être humain («Fatalité»). Je ressens un Œil transparent (bleu?) qui ne cesse de regarder toutes les phénomènes terrestres sans mélanger aucun sentiment, ni douceur, ni froideur. Mais l’important est, pour moi, c’est que son contre-chant demeure un chant et nous livre « je » poétique sur une tonalité personnelle. J’écoute son aveu déchiré de « Cette ombre » dans « Être un autre » sous le masque sombre ; déchiré parce qu’il attache un bout de la longue corde de son être à la condition humaine. Il ferait un bond hors de son sort ? Pour être « l’Homme détaché» qu’on appelle également « un nouvel individu », « nouvel Homme » et « Poète ». Mais ne serait-ce qu’un moment de la mort ? Non, je ne crois pas. Le « je » qui flotte sur la mer devient « une île » (IL ?), me semble-t-il. Et une île, Mandin, c’est une échine et des viscères de la terre, n’est-ce pas ?

La mer

   À la première lecture, la mer dans « Savie » me semblait très agitée. Mais après avoir lu toutes les pages, cette mer me paraît sereine comme l’est le « temps ». Elle me rappelle celle de Tohoku après le tsunami. Après avoir tout englouti, la mer de Tohoku est redevenue tellement tranquille et paisible comme si de rien n’était. Mais au fond d’elle, elle cache la soif, la violence. J’ai ressenti, en la regardant, apparaître des ombres avec leurs chers souvenirs.

   Il me semble que Savie est une vie de chacun alors que Lavie est une vie qui n’englobe pas seulement toute vie mais aussi tout ce qui constitue un paysage dans lequel se trouve Savie ?

   J’aime l’image d’un naufrage, d’un bateau délaissé : ce serait le symbole d’un homme. Je veux être sous l’ombre de ce bateau, ressentir la lumière de lune et le vent de la mer et ne penser à rien, mais simplement «écouter voir» et je veux devenir être un grain de sable de plage(métamorphoser en sable!).

 

 Saudade

   Il se sent d’autant plus solitaire qu’il sent la solitude dans la vie quotidienne très naturelle, dans les heures oisives quotidiennes. Pour ce désespoir, il n’a aucune consolation (votre lucidité n’en a pas besoin) sauf une : c’est écrire, donner des formes (une forme) à ce qui passe, apparaît et disparaît dans la tête et dans le cœur. Cette activité (noter des mouvements d’humeur) ressemblerait à une folie comme vous le dites : «  Le désespoir est un voyage dans la folie »

«  il n’écrira pas dans le seul dessein de ne plus écrire », non! Vous écrirez ! Grâce à ce poème, j’ai appris ce mot espagnol.

   Pour cela, « De…Mains », au milieu de ce désespoir, est  un poème qui me semble très beau ! «  Je ne tourne pas je te contourne », quelle tendresse, je trouve.  Communiquer, échanger du «je» et «tu» avec toutes les interférences du désir qui peuvent entre deux corps temporels  se produire. Oui, l’âme est vibration, accord, dissonance de soi qui apporte sensation et émotion chez autrui.

 

   Vous savez ? Il arrive qu’on rencontre dans le désert une rivière, mais rivière sans une goutte d’eau. La voie sans eau a une figure violente, dévastée et dévastatrice qui démontre la volonté intrépide de couper, un jour, encore une fois, en deux le désert avec ses courants bouillonnants. L’écrivain japonais Yasushi Inoue dit de cette voie « Que la vie humaine est courte, que ma dissidence, ma révolte est fragile ». Votre mer me rappelle ce désert et cette rivière, ce fertile désespoir et volonté de celle-ci !

 Voilà ce que j’ai pensé en lisant « L’Homme détaché ».