En mars édition de mon premier roman écrit en 1994 aux Editions Sydney Laurent.
http://editions-sydney-laurent.fr/livre/appelle-moi-dee/

                                              « Un de vos rires vous a jeté dans mon histoire, il y a elle et lui et maintenant vous. »

Au pays de la Poèmerie, laissons- nous simplement  porter par les vagues d’une histoire entre un homme et une femme, histoire  atypique, étrange, à la frontière de la folie, du délire ou  des souvenirs perturbés qui ne cessent de revivre  en de multiples déclinaisons perdues dans le temps, qui ne cessent de se modifier, de se déstructurer.

Ne cherchons pas  de logique en ce récit d’un autre type où  se rencontrent  la poésie  et l’absurde, la poésie et l’érotisme, l’érotisme  et les ombres chinoises du désir charnel, qui troublent les eaux d’une absence d’amour à la recherche de l’amour…

Seul le regard porté par Dee,  l’héroïne,  sur ses souvenirs,  lui  permet d’atteindre le détachement de son  corps,  à la fois osmose des chairs, rejet et abandon. Je suis là avec vous, une cérémonie m’attend avec son lot de pleurs, de mensonges et de chagrins…

 Ainsi débute ma lecture du roman « Appelle-moi Dee ! » de Mandin.

« Cette histoire est d’avant-hier, avant aujourd’hui, avant dimanche, avant vos jambes croisées, avant demain. Grâce à l’anticyclone des Açores les arbres sont de bonne humeur. »

Une toile blanche tendue sur un cadre en sapin, une histoire sans importance, un taxi, de la tendresse, de l’érotisme et  l’anéantissement du corps de Dee plongé dans  la musique de Ravel, éclairé par les tableaux de Francis Bacon… « Peut-être est-ce cela l’amour, souffrir d’aimer quelqu’un? »

 

D’amant en amant, ainsi va  l’errance de cette femme solitaire, la chanson du vieillir, du devenir, du repli sur le passé et de l’oubli parmi les étoiles du temps.  « J’aime cette lassitude physique des pénétrations. Elle console de l’habitude de se plaindre de la fatigue. »

L’auteur nous conduit avec aisance dans le labyrinthe des pensées et des désirs intimes des deux amants que tout s’acharne à séparer  sauf le temps.  Chacun observe l’autre et tisse sa stratégie amoureuse sous forme de monologues intérieurs s’intercalant entre les  dialogues.

 L’âme de Dee serait-elle en danger, a-t-elle seulement été une enfant, quels mystères entourent sa naissance pour vivre cette terrible romance sensuelle ? Dépravation, abnégation, perte de repères ou tout simplement amour inconditionnel ?   Ainsi se déroule l’aventure terrestre de Dee en perte d’identité.

 

Mandin  ose remonter aux sources des pratiques érotiques d’une femme perdue dans la souffrance et les contradictions,  en  leur donnant une dimension qui touche notre affect.

« Seule au fond de mon lit la bonne humeur reprenait son droit de cité. Je voulais sauvegarder cette formidable sensualité. Elle illuminait mon âme et chauffait mon corps et… une avidité sans limite de tous les plaisirs. »

 

Le dépaysement est total, les repères perdent le nord, les situations excentriques se succèdent dans un univers déconcertant et les scènes scabreuses iront prendre racine jusqu’en Inde.

Doit-on en sourire, s’offusquer ou se laisser porter sans juger de leur bienséance, des tableaux érotiques que nous offre généreusement l’auteur ?

Quelle que soit l’intensité des scènes, il persiste dans son écriture un ensemble poétique indéniable qui ne peut que toucher la sensibilité du lecteur.

« Dee est une nymphe, une histoire complexe de liquides. 

Sa silhouette semble sculptée dans un morceau d’enfance, et pourtant sa peau est parcourue de courants voluptueux, ses jambes sont de parfaits piliers, elles saillent de dessous l’étoffe noire et fripée de sa jupe, trop courte pour dissimuler la petite vallée où meurent des centaines d’étoiles. »

 

Mandin  nous conduit ainsi  au pays d’Eros où  les fantasmes sexuels sont  universels et sans âge, mais où le psychodrame se lit en filigrane. Le cœur de l’intrigue se déroule au Grand hôtel de Cabourg, puis l’auteur nous attire  dans  un labyrinthe  de mots, d’énigmes et de sensations habilement construits où la généalogie flirte avec le délire au bord de l’eau, toujours et encore de l’eau des pierres. Son récit, véritable dédale de sensualités et de voluptés,  ouvre les frontières de l’amour sans amour mais étrangement aussi de l’amour éternel entre deux êtres.

« Elle arrange chaque jour la mer de pierre d’une autre façon, elle revit Cabourg en ce temps-là, elle est vaguement nostalgique. Quentin n’a pas joué avec elle, il l’a aimée pour toujours. »

Je me plais à  imaginer  que l’inspiration de  Mandin puisse prendre sa source de ces vers  de Joachim Du Bellay:

« Ces cheveux d’or sont les liens Madame, Dont fut premier ma liberté surprise, Amour la flamme autour du cœur éprise, ses yeux le trait, qui me transperce l’âme. …»

   rejoignant ainsi l’écriture de l’auteur :

 « Blonde.

Elle est entrée sur la pointe des pieds.

Nue et mouillée…

Voilà l’histoire d’un tohu-bohu sentimental. 

 Ma Jeune Fille d’hier est devenue une montagne d’eau.

Ses baisers dévalent telles des pierres rondes sur mon corps alangui,

elle absorbe tout ce qui brille sur moi,

tant et si bien qu’il ne me reste plus une seule étoile. » …

« Mettre mes lèvres sur ses autres lèvres attendre que la mer vienne nous noyer.

Mon sexe,

petit poucet dans sa chevelure forestière,

ou prince endormi,

a tout espéré du nouveau baiser. »

Amy Lou