Le paradis perdu, Eve, l’inaccessibilité, la culpabilité « sortant d’un songe interdit », l’effet est très réussi…
L’amour courtois l’amour serpent rôdent autour de la mort qui est là poursuivant la vie, autour de la vie fuyant la mort. Pas d’issue pour l’amour, l’enfer n’est qu’à une porte du paradis, la porte du Paradis s’ouvre sur l’Enfer, Éris nous entraîne malgré nous dans le tourbillon de la discorde. Mais que se passe-t-il dans cette chambre ? C’est presque un viol, tout est là pour le suggérer. L’atmosphère est si sombre, un crime sans doute… Le soleil sur la lumière de midi, un serment, violent comme la passion.Un pillard peut-il aimer sa proie toute une vie en la poursuivant sans répit jusqu’à la mort ?
La magie de l’amour opère. Tel un dieu, le Poète fait taire les oiseaux têtus, et tel un dieu déchu il est subjugué par la sensuelle beauté de la féminité qui rêve de serments. Que de dépit devant l’intensité des disputes qui séparent l’Homme et la Femme et qui les rapprochent, tous deux dépendant de la forme qu’a prise leur relation.Lui, affligé, consterné, le cœur gros, semble impuissant face à ces querelles inutiles qu’il compare aux ailes d’une hirondelle. La poésie est partout présente, les querelles s’évanouissent avec grâce et légèreté dans les cieux. Mélancolie, nostalgie, chagrin, vide et déchirure se succèdent dans le cœur de l’Homme au tournant de sa vie de couple. Le dieu- Poète succombe aux tourments de l’amour jusqu’au renoncement, conduit par son sentiment d’impuissance. Chacun, pour peu qu’il ait vécu, se retrouve dans ces sensations engendrées par la discorde. Comme dans un drôle de rêve, la peine devient légère. Le souvenir des rires et des pleurs de joie de son aimée transforme la haine en une inutile rengaine. Plongé alors dans un sentiment d’abandon, sa souffrance est ultime : comment ne pas être atterré par son désespoir ? « Ivresse sans alcool et caresse sans main » nous arrivons dans le monde du Mensonge, que l’esprit, la voix, le regard, la raison même, traitent avec mépris mais dont « le cœur s’enivre » ; l’amour devient alors une imposture. C’est la tragédie de l’amour, du temps qui passe et qui détruit, l’antagonisme entre la raison et l’affectif, puis le repli du Poète dans ses pensées secrètes. Dans le cimetière imaginaire les vieilles femmes se faufilent au bord de leur vie. Comme elles, chacun est au seuil de sa propre mort.
A nouveau les souvenirs rongent le cœur du Poète : la maternité et la mort de la jeune fille, l’enfant et les cerfs-volants, le naufrage de leur amour, et enfin la révolte…
Sa mère, enveloppée de sa propre folie, sombre dans son être bercé par l’Aria Casta Diva *. J’en frémis.
Le drame du Poète semble résider dans le rejet violent de cette mater théâtrale. Lui pardonnera-t-il un jour d’avoir ainsi grandi sans enfance ? C’est alors qu’il s’empare d’une idée géniale : naître à nouveau, parmi les nymphes, couvert de rimes, en Fils-Poète…
Qu’en est-il de son corps, de son âme, de sa respiration, qu’en est-il de son JE universel ? Il épouse des vies dans ses fumées lexicales et rejoint l’âme de sa lectrice qui lui vole ses émotions. Immortel, il tourne le dos à la mort et caresse le vent dans la chevelure du temps. Ses soupirs s’échappent des parchemins qui trahissent sa vie. Ses frissons, noyés dans les vins sucrés, voguent sur les mers grises de ses désirs.
Il abandonne ses plaisirs au ressac pour découvrir de nouveaux chemins dans le temple de la vie. L’amour attend, le doute le saisit et dans un décor de théâtre il abandonne à jamais ses jalousies, ses colères, et ses sentiments romantiques.
Parler à l’amour au bord de la falaise, se laisser bercer par les chants des jeunes filles, tourner les feuilles de l’automne… Vos regards, Poète, s’échappent d’un rêve solitaire et viennent caresser son corps, froisser ses fragrances, éclaircir ses lumières enfouies dans les aubes de ses tulles en plis. Votre désir oublie votre souffrance. L’aube et le crépuscule se rejoignent sur la tombe de vos souvenirs, vous êtes de nouveau ce garçon à la recherche de l’inaccessible Jeune Femme.Vous faites tourner son amour tourmenté dans le cadran du temps, vous faites tourner ses humeurs et ses pleurs. Il ne lui reste que les brumes, la nuit pour arpenter ses allées, tenter de vous retrouver, pour vous offrir sa tendresse. Laissez- vous enfin aimer, Poète, dans la vague de ses désirs…
Elisabeth
ce 16 10 2013